Revenir à la navigation Aller au contenu principal
Revenir aux Ateliers

Un ciel rouge étoilé

Pendant l’été 2020, compte-tenu du contexte de la pandémie,Émilie Danchin a proposé de créer un atelier de photographie thérapeutique sur le thème de la liberté, dans une perspective de reconstruction d’un équilibre du corps et de l’esprit grâce au rêve et à l’utilisation de la photographie, qui, utilisée de façon spécifique, peut contribuer à créer le rêve. Émilie Danchin avait l’envie de faire rêver les adolescents, de leur permettre de se projeter dans des images, de leur poser des questions sur le rêve, l’espoir et la liberté. Elle voulait initier avec eux un mouvement corporel affecté, traversé par la rêverie, dans lequel ils recouvriraient l’espoir et la liberté. Elle souhaitait matérialiser ce mouvement de projection, le prendre en photo, le matérialiser sous la forme de portraits. Elle leur a dit qu'ils allaient passer toute une semaine à préparer ce portrait au travers d’exercices successifs, afin que ce portrait représente tout ce qu’ils auraient imaginé, espéré et créé à propos d’un rêve de liberté et d’espoir.

S'inspirant d'une photographie de Wendy Ewald

Émilie Danchin a tablé sur le fait que la pandémie et la façon dont la crise sanitaire est gérée entravent globalement le développement psychosomatique et le déséquilibrent. S’inspirant d’une photographie de Wendy Ewald, elle a construit l’atelier Un ciel rouge étoilé dans le but de tenter de récupérer le corps là où il en était et de déclencher un mouvement de projection, qui puisse être libérateur, en alternant des techniques de photothérapie et des activités photographiques dans l’approche psychosomatique relationnelle. Et, ce faisant, l’atelier permettrait à chaque adolescent de documenter photographiquement ce qu’il se passerait en eux, d’en conserver une trace et de s’en souvenir.

Les étapes de l'atelier

Les étapes de l’atelier étaient entièrement structurées et formalisées à l’avance et Émilie Danchin les a suivies rigoureusement. Précises, elles reposaient sur les concepts de la psychosomatique relationnelle (la projection, le visage, le double projectif, le tiers, la relation, le rêve, le corps réel et le corps imaginaire) mis en pratique dans des exercices de techniques de photothérapie (photoprojection, questionnaire) et des activités photographiques (prises de vue, collages, albums).

Par exemple, les ados ont créé le sujet en créant le visage de chaque jeune en photo. Émilie Danchin les a fait deux photos, une de face et une de profil en s’inspirant du travail de Bettina Von Zwehl. Elle a imprimé leurs photos d’identité de face et de profil en A4 en couleur, pour que la photo ait approximativement la taille de leur visage. Lors de la prise de vue, un travail de transformation de la perception de soi dans l’image a déjà commencé et des pistes de travail ont été identifiées.

Et les ados se sont également inspirés d’une photo de Francesca Woodman About Being My Model pour créer le double. Les adolescents ont pris en photo leur double en prenant une photo dans laquelle d’autres jeunes leur ont servi de double projectif. Ils demandaient aux autres de poser en tenant devant leur visage les photos de leur propre visage (les photos d’identité, de face et de profil) et en étant attentif aux postures corporelles. Les photos ont été traitées en noir et blanc et imprimées en A4. Cette étape était délicate car elle était étrange. En procédant de la sorte, le double ne pouvait pas être mimétique. Il y avait une forme de différenciation parce que les corps des autres étaient mobilisés. Ils servaient de tiers, en plus de l’appareil photo. L’objectif était aussi de créer un corps réel quoiqu’il arrive dans une photo composé d’un bout de corps réel (les photos d’identité et de profil) et les corps des autres participants (le corps en entier).

Émerveillement

Émilie Danchin est ressortie émerveillée de cet édition de l’atelier Un ciel rouge étoilé parce que les techniques employées étaient pointues et que les ados ont pu voyager d’entretiens thérapeutiques en entretiens thérapeutiques grâce aux images. Émilie Danchin a l’habitude au Centre Ados de mélanger des étapes de photographie à des exercices de techniques de photothérapie. Cette fois-ci, elle a intensifié les exercices de photothérapie à chaque étape de l’atelier et ce, pendant une semaine complète. L’atmosphère dans le groupe et la relation avec chaque jeune a permis de mener des entretiens thérapeutiques individuels dans les photos, tout en restant en groupe.

Pour elle, travailler sans lire les dossiers au préalable en se basant sur ce qu'elle voit émerger avec les adolescents dans le travail sur les photos imaginaires, les photos réelles et le souvenir des rêves permet de les découvrir là où ils sont en questionnement et bloqués dans leur évolution personnelle. Ils ont besoin de reconnaître quelque chose en eux, de l’identifier, de comprendre comment cela se passe en eux et d’en faire quelque chose de précis. Il ne s’agit pas d’interpréter ou de vouloir à tout prix rattacher cela à tel ou tel événement de leur histoire, mais d’initier en eux un mouvement de projection de ce qu’ils ressentent et dont ils ne savent pas quoi faire dans ce qu’ils voient, une photographie, et d’harmoniser ce mouvement corporel et imaginaire dans une atmosphère relationnelle affectueuse, où ils peuvent se sentir aimés et accueillis tels qu’ils sont. Elle observe une forme de soulagement quand cela se passe. C’est une libération qui fait qu’ils ont pu dire lors du dernier tour de table : « C’était éprouvant, fou et magique » ; « C’était original et j’ai adoré. C’est autre chose que l’on a appris sur nous-mêmes » ; « Je pense avoir pu débloquer un rêve » ; « Je ne le sentais pas trop, mais je me suis laissé emporter par l’atelier. Tu crées des choses inconsciemment. C’était super » ; « C’était fatiguant, mais je ne regrette pas d’être venue ».

Ce n’est pas magique. C’est technique car Émilie Danchin construit ses ateliers dans le but d’accueillir, susciter ce type de mouvements, qui eux sont libres, inédits, comme le rêve. Le rêve dit Sami-Ami est la création d’une réalité qui nous dépasse et dont nous avons besoin pour pouvoir nous trouver et nous projeter. C’est le rêve qui traverse les images. Les images du rêve et les photos sont de même nature car elles sont couvertes d’affects et contiennent toutes nos mémoires sensorielles et relationnelles. C’est donc là, au croisement du rêve et de la photographie, qu'Émilie Danchin aime travailler. Elle met en œuvre une certaine pratique subjective de la photographie, que Sami-Ali décrit dans son livre Essai sur l'esthétique de la marginalité, Huit manières de rêver le facteur cheval, celle qui non seulement capte, mais crée le mouvement du rêve et le matérialise.