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Hors de soi, hors de (chez) soi

Genappe est une commune où l'échange sur le fait d’habiter ensemble bat son plein. Des acteurs de l’associatif local et régional ont voulu susciter le questionnement, la rencontre entre des habitants parfois socialement éloignés et leur donner la possibilité de traduire leur conception du fait d’habiter en formes libres, artistiques et contemporaines. Pour cela, différents projets ont donné naissance à des ateliers menés avec des artistes plasticiens et photographes sur le thème "Habiter Genappe". Les créations réalisées dans ces ateliers ont été exposées lors du week-end "Arts à Glabais". Elles ont été l'objet d'une publication du Centre culturel de Genappe C’est ici qu’on est (80 pages, 16 x 21cm) disponible à l’administration communale, au Centre culturel et au Syndicat d’Initiative de Genappe.

Les textes et les photos présentés ici sont le résultat de l'atelier Hors de soi, hors de (chez) soi, mené par Émilie Danchin, à l'initiative du Centre culturel et du CPAS de Genappe et Article 27, qui s'est inscrite dans cette réflexion. L’atelier a été proposé à un petit groupe de cinq adultes émargeant au CPAS. Le groupe a été encadré par Émilie Danchin en étroite collaboration avec Viviane Horta, Article 27.

L’association d’un outil de stratégie de changement (l’explorateur) à un outil artistique (la photographie) visait à ouvrir un champ socio-artistique participatif, qui soit à la fois introspectif et dynamique, individuel et collectif, subjectif et objectif. Mener une mission photographique sur leur territoire de vie a donné aux participants l’occasion de bénéficier d’un réel apprentissage artistique, de mener une réflexion sur eux-mêmes et leur environnement et de changer de point de vue.

Hors de soi, hors de (chez) soi

Les textes ont été écrits par Émilie Danchin à partir des entretiens préliminaires avec les participants sur le thème de "Habiter Genappe", l’animation de clôture lors de laquelle ils ont évalué l’atelier, et à partir du contenu même de l’atelier (comportements, émotions, réflexions et photographies). Lors des entretiens, les participants ont mesuré des éléments sur une échelle de zéro à 10. Ils ont répondu à des questions imaginatives (l’île déserte, l’explorateur) et à des questions sur la réalité (leur habitat, la photographie). Ils sont accompagnés de leurs photographies.

C. a 41 ans. Il est père de deux enfants. Originaire de Genappe, où il a pour ainsi dire, toujours vécu. Il vient de la campagne, à 3 kms de Genappe. Il se souvient bien de la maison de son père, qu’il aimait beaucoup. Cette maison avait un jardin et l’ancienne voie ferrée passait devant. A choisir, C. préfère vivre dans un endroit qui donne sur la nature, comme l’année dernière dans un appartement du CPAS avec vue sur un pré et un étang… Pour le moment, il habite le centre de Genappe derrière l’église. C. est métalleux. Il est passionné par le heavy métal, l’art gothique, et la photographie. Il aime la photo d’architecture, l’évolution et l’histoire des villes. Il est passionné par les trains. Il photographie par exemple régulièrement l’avancement des travaux à la gare de Nivelles. Son appareil photo numérique ne le quitte jamais. Il réalise déjà des reportages (carnavals, fêtes). Sans emploi, il aimerait passer photographe professionnel ou se former à la PAO.

Looké, il n’a pas d’habitudes particulières à la maison, par contre, la manière dont il a décoré son environnement lui ressemble. Il explique qu’il ne se sent pas bien sans sa musique et sa décoration gothique. Tout est donc très gothique chez lui, les objets (des pierres tombales d’Halloween, des crânes, des bougies mauves, etc.), les tentures noires, ses vêtements... Tout est noir et mauve. S’il le pouvait, il peindrait les murs en mauve et les meubles en noir ou encore l’escalier, mais pour le faire, il doit introduire une demande. Il considère donc que son univers lui ressemble, mais à moitié (5/10) et il se cantonne dans le coin le plus éloigné des murs et des meubles de cuisine blanc près des deux fenêtres aux tentures noires fermées. Ce qui est le plus agréable dans son univers est donc la musique (7/10). Son univers s’étend en dehors des frontières de son appartement car il adore écouter de la musique chez lui et aussi aller à des festivals. Il côtoie de toutes façons la communauté métal gothique au travers d’internet car il est l’un de seuls gothiques dans le coin. Son "chez soi" lui apporte donc un confort matériel plus que social. Même s’il connaît du monde depuis qu’il est tout petit à Genappe, C. explique que peu de personnes comprennent ses goûts et qu’être gothique pose à tort problème en matière de protection de l’enfance et de respect des cimetières… Internet occupe donc une place centrale dans son habitat car il constitue sa source de musique gothique et sa garantie de contact avec le milieu. En même temps, C. adore sortir dans les bois, aller dans les cimetières et visiter des sites architecturaux. Son univers s’étend donc virtuellement au travers d’internet et réellement au travers de son goût pour les promenades.

Pour C., l’habitat idéal (10/10) serait un manoir à l’entrée d’un bois avec une belle vue, un peu retiré... Et l’inhabitable (0/10) serait un endroit dans le centre-ville de Bruxelles ou de Charleroi. Il a des copains qui vivent en ville et qui n’ont que des problèmes. C. situe son habitat actuel entre 8 et 9/10. S’il devait tout quitter pour un endroit où il ne manquerait de rien et n’emporter qu’une seule chose avec lui, C. aurait beaucoup de mal à choisir entre l’ordinateur et son appareil photo, dont l’usage est étroitement lié. Si un explorateur venait à séjourner chez lui, il l’emmènerait voir des sites intéressants comme les ruines de Villers-la-Ville, la Sucrerie, le cimetière du Vieux Genappe et les grands bois à côté de Baisy-Thy.

En acceptant de participer à l’atelier, C. pensait faire de la photographie numérique couleur avec son appareil. Il souhaitait se perfectionner techniquement dans le but de trouver un emploi. Il a donc commencé l’atelier avec son appareil numérique, qui s’est malheureusement cassé. Il a continué en argentique noir et blanc avec un appareil d’occasion, qui a posé quelques problèmes indépendants de ses compétences photographiques. C. a trouvé que faire de la photo est difficile (6/10) car il faut trouver le bon réglage et la bonne exposition. Malgré ses réticences par rapport au noir et blanc, C. a finalement trouvé que cela "donnait très très bien, parfois même mieux qu’en couleur". Il s’est senti à l’aise (10/10). Lorsqu’il prend des photos, il ne pense à rien d’autre. Il "ose tout" en photo et il trouve que cela crée du lien avec les autres qui se posent des questions sur ce qu'il est train de fabriquer. C. est globalement content de l’atelier (7/10), quoique déçu par les photos qui sont surexposées.

Passionné par beaucoup de choses, il s’est un peu dispersé entre diverses thématiques et plusieurs appareils photos. Il a privilégié des photographies de maisons, de façades et la nature dans sa sélection définitive. Hésitant entre des photos frontales d’architecture à la Bernd et Hilla Becher et un point de vue plus sensible sur la nature et les fermes des environs, il nous offre de belles images de façades avec des avant-plans verdoyants. Il aime beaucoup la photo de la rivière qui serpente entre les arbres (10/10). L’atelier ne lui a pas apporté plus de connaissances numériques. Il n’a pas spécialement découvert de choses sur lui-même, mais il a découvert des nouveaux endroits comme un explorateur. C. a l’impression que la façon dont les autres le voient a changé, qu’ils ont dépassé une "fausse impression" à son égard, en particulier grâce à l’accueil admiratif réservé à leur travail par l’échevine des affaires sociales à Genappe lors de l’exposition au parcours d’artistes de Glabais.

  • Hors de soi — Hors de (chez) soi – Habiter Genappe, projet de photographie d'action sociale mené par Émilie Danchin

Photos de C.

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G. a 57 ans. Il est ingénieur industriel. Il habite Genappe depuis toujours. Il vit seul dans une maison de famille 3 façades, très ancienne. Manuel, il la rénove lui-même en privilégiant l’efficacité, le minimalisme et le juste nécessaire avant de faire joli. Cette maison est sa première demeure et il compte y rester. Il ne voit pas l’intérêt d’en changer. Quand il l’a récupérée, la maison était remplie d’un "brol incroyable", qu’il a dû dégager. Il a conservé quelques meubles qui valaient la peine et les a décapés… Il n’a pas vraiment d’habitude dans sa maison, à part un "toc" matinal. Il descend et se prépare un Senséo avant toute chose ! G. considère que l’on peut dire "J’habite, donc je suis…" à partir du moment où l’on est propriétaire. Têtu et volontaire, il trouve que sa maison lui ressemble (7 ou 8/10) même si elle est en désordre et d’ailleurs, cela le regarde... Le fait d’être chez soi sans devoir rendre de compte à personne est un luxe, auquel G. est très sensible. Cela lui apporte la possibilité de faire ce qu’il veut quand il veut et une considérable tranquillité. C’est principalement ce qui rend sa maison la plus agréable (7/10), malgré les travaux restants et parce qu’il y a toujours quelque chose à améliorer… G. a un chat qu’il emporterait contre toute autre chose sur une île déserte.

Les travaux sont ce qu’il y a de plus désagréable (3/10), sans que cela ne le perturbe plus que cela. Manuel et pragmatique, sa maison lui apporte confort et sérénité. Quoique bavard, volontiers blagueur et sociable, il reçoit peu chez lui. Le contact social a lieu en dehors de la maison. Cohérent avec lui-même, G. trouve que l’inhabitable (0/10), c’est être en prison et l’habitat idéal (10/10), une villa sur une île déserte ! Comme il est optimiste, il met 8/10 à sa maison actuelle. S’il hébergeait un explorateur, il l’emmènerait à Villers-la-Ville ou aux sources, plus locales. Il évoque les châteaux, les arbres remarquables, la Sucrerie. Il se documenterait sur la région car il pense qu’on méconnait souvent les lieux-dits de sa région…

Lorsque G. intègre l’atelier, il est à la recherche d’un emploi. Il n’est pas trop inquiet. Dynamique, il explique qu’en attendant, cela lui laisse aussi du temps pour faire des choses intéressantes. Il fait de la photo depuis quelques années. Cela le passionne. Il a plusieurs appareils photos. Il est passé au numérique en 2004. Il aime se renseigner sur internet sur les nouveautés. Ni pour, ni contre le noir et blanc, il profite de l’atelier pour repêcher ses deux appareils argentiques et s’y remettre avec le sourire. Il redécouvre le noir et blanc, notamment les effets de contraste, les effets de matière sur les pavés, les chemins qui serpentent, la terre, les arbres, les joncs, les sculptures religieuses et le site de la Sucrerie. G. est fier de participer à une exposition et se demande comment le public accueillera leur travail. Entretemps, il a retrouvé du travail et n’a pas pu participer au dernier atelier. Il nous manque son avis lors de l’évaluation. Par contre, nous savons avec certitude qu’il était apparemment ravi du résultat lors du parcours d’artistes et de l’accueil réservé aux images...

Photos de G.

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M. a 78 ans. D’origine française, elle habite Genappe depuis 1980. Ancienne aide-comptable, elle est grand-mère et arrière-grand-mère. A la fois pétillante et méfiante, elle a eu envie de participer à l’atelier pour faire des sorties, mais ne s’imaginait pas faire de la photo car elle avait seulement fait quelques photos en amateur plus jeune et en voyage. Partagée entre l’envie très claire de participer et le fait de ne pas vouloir faire de la photo, M. s’est présentée en compagnie de son ami G., photographe amateur. A la fois bourrue et adorable, elle a fréquenté l’atelier avec assiduité et humour, en constant décalage…

Plutôt qu’emprunter un appareil photo, elle a préféré acheter un numérique par peur d’abîmer le matériel des autres, puis elle a remis la main sur son vieil appareil Compaq argentique. A la première sortie de groupe, elle a fait quelques clichés l’air de rien, tout en mettant en doute sur un ton piquant la quelconque utilité de la démarche ou encore le résultat éventuel de ce qu’elle pourrait bien faire, qui risquerait de décevoir... Toutefois, lors de cette promenade revigorante et hivernale entre la friterie et l’église de Bousval, en passant par la chapelle à Try-au-Chêne, elle s’est visiblement bien amusée et a déclaré être bien contente de cette sortie au grand air malgré son scepticisme par rapport à la photographie, qu’elle n’aura de cesse de rappeler tout au long de l’atelier.

M. habite seule, une maison de plein pied du CPAS. Elle n’a pas d’habitude particulière, sinon un "genre de toc", dit-elle. "Tout doit être rangé !" Elle aime donc le rangement et ne peut rien laisser traîner. Suite à un incendie il y a 15 ans, M. est repartie à zéro. Elle a choisi des choses jeunes Ikea et des objets de déco, qui lui plaisent, en plus des objets qu’elle et sa fille confectionnent en crochet et en patchwork. Tout cela a du caractère et lui ressemble (8/10). M. est bien chez elle. Pour elle, le "J’habite, donc je suis" s’apparente à "Mieux vaut être seule que mal accompagnée !". Souriante, elle affirme que si elle avait les moyens, elle achèterait ce style de petite maison dans laquelle elle vit, où elle se sent visiblement très bien. Sociable, elle aime sortir, mais elle est aussi très contente de rentrer chez elle. Chez elle, elle aime tout avec une petite préférence pour la salle de bain et la douche. D’ailleurs, elle prendrait son gel de douche et son shampoing sur une île déserte si elle devait emporter une seule chose. Elle aime aussi sa cuisine et l’ensemble de sa maison. Le plus agréable tient à ce que chaque chose a son utilité et qu’elle a tout ce qu’il lui faut (8/10). Elle ne voit rien de désagréable. M. tient aussi fort à sa tranquillité d’esprit. Le social a donc lieu en dehors de la maison et son "chez soi" se limite à son "petit entourage", c’est-à-dire sa maison, les escaliers qui mènent à la maison et ses proches voisins. M. estime que sa maison est la maison idéale (10/10) car elle s’y plaît bien et elle n’a plus envie de déménager comme dans le passé. L’inhabitable, par contre, c’est vivre sous les ponts. Le pire en matière d’habitat, c’est vivre sans toit et avec trop de liberté (0/10). Si par le plus grand des hasards, un explorateur séjournait chez elle, elle l’emmènerait voir le Lion de Waterloo, des châteaux qui sont "beaux, mais on ne les voit pas", un très bel arbre ou encore son jardin.

Curieuse et sceptique par rapport à l’atelier, elle y a mordu par à-coup et de manière étonnamment vivante car c’est sa petite fille de 14 ans qui a fait la plupart des photos en dehors des sorties. M. nous l’a confié à la fin, nous donnant un éclairage sur leur fabuleuse complicité, leurs sensibilités et leurs formidables affinités. Elles nous sont apparues très proches. Côtes à côtes, leurs photos pourtant étalées sur les tables au fil des ateliers ne nous avaient pas mis la puce à l’oreille. Nous n’avons pas décelé de différence dans leur manière de voir les choses et les capter. M. a déclaré s’être très bien amusée avec sa petite fille qui "a adoré" et être globalement très contente de l’expérience (8/10). La sélection définitive vaut le détour. Forte, elle livre un point de vue cohérent à haute valeur artistique sur Genappe, dans lequel paysage intérieur et paysage extérieur sont indissociés. M. se dit terre-à-terre. Elle ne cherche pas midi à quatorze heures. Elle ne voit donc pas ce que les photos pourraient bien exprimer sur elle-même et a du mal à reconnaître la valeur de son travail, malgré les commentaires admiratifs de certains, dont son ami G. M. a été néanmoins partiellement réceptive, ce qui a pu lui faire dire en blaguant que la photographe est fine psychologue... Ou bien nous l’avons vue désarçonnée par une photo d’une tapisserie prise à la va vite sans réfléchir, presque pour finir le film. Le résultat l’a étonnée et elle a compris l’association de cette image (paysage intérieur avec un coup de flash) à une autre (paysage extérieur pris entre chien et loup). Elle a trouvé que c’était beau tout en répétant qu’elle a photographié cela par hasard comme si elle n’y était pour rien et pourtant pour tout...

Photographier Genappe a changé sa manière de voir Genappe. Sa photo préférée est celle de la poupée (7/10), simplement parce qu’elle a crocheté cette poupée et qu’elle sait combien de temps cela lui a pris. M. a trouvé que faire de la photo est difficile (5/10) parce que ce n’est pas évident de trouver un sujet à photographier. Que photographier, en effet, quand on n’en voit pas l’utilité ? Et n’est-ce pas dès lors remarquable qu’elle ait mis la main à la pâte ? Elle ne comprenait d’ailleurs pas non plus au départ l’intérêt de faire des photos en groupe. "Quel gâchis, se disait-elle. Nous allons tous faire la même chose". Le noir et blanc a été une découverte. Elle a trouvé cela génial. Elle s’est sentie très à l’aise pour faire les photos (10/10). Par contre, elle déteste être prise en photo et gare à celui ou celle qui s’y aventurerait sans son accord ! Elle a été interpellée par le petit film ARTE Contact sur Doisneau, où on le voit se poster dans un magasin. Il observe des personnes qui regardent la vitrine et les prend en photo à leur insu. Pour M., c’est le comble de l’indiscrétion. Grâce à ses réactions vives et carrées, les questions du droit de l’image ont été largement abordées. Grâce à l’atelier, elle confirme être allée dans des lieux où elle ne serait pas allée, comme les cimetières... Fidèle à son intention de départ, elle avoue qu’elle participerait avec plaisir à d’autres sorties, et pourquoi pas au cinéma.

F. a 28 ans. Célibataire, il est papa d’une petite fille de 2 ans ½, qu’il garde tous les week-ends. Sans emploi, il aime la photographie qu’il pratique avec son GSM. Il photographie sa fille. Sa sœur fait de la photo NB ; elle adore cela. F. dégage une impression de fragilité et d’hyper-sensibilité. Il dit se sentir comme une éponge parce qu’il ressent tout. Il vient de Bousval et habite Genappe dans un petit appartement avec une grande pièce et une porte d’entrée. Il n’est pas très sociable. Il aime être chez lui, où il se sent libre. Il a besoin d’être toujours bien chez lui, c’est-à-dire qu’il fasse propre. Il se décrit comme très maniaque et son intérieur est peu décoré, tout blanc. Cela lui ressemble (9/10). Recevoir sa fille est la chose la plus agréable dans son habitat car sa fille est "tout" pour lui.

Un peu crispé et maladroitement, il exprime d’emblée des choses très fortes, qui sont à la mesure de ce que l’on retrouvera dans ses photos. Ses photos ont une portée émotionnelle puissante qu’il a pu au cours des ateliers, découvrir et reconnaître. Il est évident qu’apprendre à regarder ses images lui a permis de se ressaisir avec fierté. Il est d’ailleurs le seul à avoir fait des autoportraits indirectement au travers d’images d’animaux, de christ et directement, nous livrant une image de lui presque mystique dans son appartement. Dans ses images, il a exploré des choses le concernant et concernant sa relation aux autres.

F. parle de sa fille et explique que même si elle fait parfois des bêtises et qu’il faut constamment s’en occuper, sa présence est indispensable et qu’elle constitue ce qu’il y a de plus agréable à la maison (10/10). Il l’emmènerait donc sur une île déserte s‘il ne pouvait emmener qu’une seule chose. F. ne voit par contre pas ce qu’il pourrait y avoir de désagréable chez lui car c’est calme. Il adore le calme et ne se sent pas trop à l’aise quand il y a du monde. Il n’aime pas non plus être envahi, y compris sur son GSM et il s’arrange pour qu’on ne lui laisse pas de messages... Son bien-être chez lui est donc matériel et non social. L’habitat idéal serait une petite villa avec terrain de tennis et piscine ; l’inhabitable, un petit endroit bruyant et exigu où il se sentirait enfermé. Il situe son habitat actuel au milieu entre zéro et 10. S’il hébergeait un explorateur, il l’emmènerait près de chez lui, dans la nature parce que c’est vraiment beau.

F. était curieux et méfiant par rapport à l’idée de participer à l’atelier. Il a surpris car, malgré ses difficultés relationnelles, il s’est tout à fait intégré dans le groupe. Il a apprécié d’être occupé, de partager ce qu’il faisait avec sa sœur, et sa fille a commencé à prendre des photos. Très réceptif à ce que l’on pouvait dire des images et de lui-même au travers des images, il a semblé sortir de sa bulle et s’enhardir à faire des photos de passants. La photo lui a permis de se mettre en relation avec les autres en demandant la permission de faire des photos. Il s’est senti à l’aise (10/10). Il s’est ouvert aux émotions esthétiques. Sa photo préférée est celle du chien et de la passante car il aime les effets de contraste et la pluie sur le sol (10/10). Il considère que faire de la photo, c’est facile (8/10) car il y a plein de choses qui l’entourent. Il a aimé le noir et blanc et il va continuer à en faire. Il s’est inscrit à un autre atelier photo. F. dit que l’atelier a changé sa façon de vivre et que certaines images disent quelque chose de lui-même. "Dans la photo avec le chien, je me suis donné à fond" dit-il. F. a retrouvé un emploi. Il l’a annoncé lors de la dernière animation au moment où il quittait les lieux, nous laissant l’occasion de le féliciter. Ayant entrevu certaines de ses difficultés, nous avons imaginé que l’atelier l’a aidé à s’ouvrir vers l’extérieur. Il est évident qu’il a bénéficié d’un cadre où il a été constamment entouré et stimulé. Cela a peut-être constitué une expérience inédite pour lui sur laquelle il a spontanément rebondi. Ses photos sont remarquables.

G. a 70 ans. Célibataire et sans enfants, elle a enseigné le français et l’histoire pendant 39 ans. D’apparence discrète et gentille, elle est bavarde et s’excuse spontanément de ne pas être au top physiquement. Modeste et volontaire, elle s’avérera très rapidement soignée et délicate. Pendant tout l’atelier, elle a investi le cadre, qu’il s’agisse du cadre de ses prises de vue dont elle sera fière, ou du cadre de l’atelier en apportant du café et de la documentation, ou le cadre relationnel en étant très attentive aux autres. G. habite le Grand Genappe, Bousval, depuis 23 ans ; auparavant elle n’a jamais quitté le Brabant Wallon.

Elle mène une vie bien tranquille, sans "tic ou toc". Le matin, elle aime se préparer un café… Elle aime avoir son réveil avec elle et elle l’emporterait sur l’île déserte si elle ne devait emporter qu’un seul objet. Sa maison est un logement social qui ne lui ressemble pas tellement (5/10) car elle n’a pas les moyens suffisants pour la décorer. "J’habite donc je suis" ne lui convient pas, quoiqu’elle aime avoir son petit chez soi, même si elle n’est pas propriétaire. Elle se sent bien entre ses quatre murs, bien protégée. Elle se sent parfois comme une pierre, parfois comme une éponge selon son humeur et les gens qui disent bonjour ou pas. La télé est ce qu’il y a de plus agréable dans sa maison (8/10) car c’est une fenêtre ouverte sur le monde. Cela lui permet de connaître beaucoup de choses, quoiqu’avec sa profession elle estime avoir déjà ouvert pas mal de portes. Apprendre tous les jours est valable pour tout le monde. Le plus désagréable (2/10) est un problème d’égouttage insoluble dans sa cave. L’inhabitable serait avoir des voisins qui font du bruit au point de devenir sot (0/10) et l’habitat idéal, un endroit bien tranquille, un peu reculé mais pas dans les bois, sans voisin contigu, comme la petite villa d’amis de longue date à qui elle rend régulièrement visite (10/10). Elle évalue sa maison actuelle entre 6 et 7/10. Si elle recevait un explorateur chez elle, elle l’emmènerait voir la commune pour qu’il puisse voir où sont centralisées les administrations ou à la Sucrerie ou encore, elle irait voir des endroits insolites.

G. avait fait de la photo en famille ou à l’école il y a longtemps. Elle a apporté aussi des photos de sa maison en couleur. Elle souhaitait refaire les mêmes pour montrer les changements. G. n’avait plus eu les moyens d’en faire et malgré quelques réticences par rapport au caractère hétérogène du groupe, notamment les grandes différences d’âge, elle se réjouissait de rencontrer d’autres personnes et d’apprendre à faire des photos. Un peu perplexe, elle s’est dit qu’elle allait apprendre quelque chose techniquement. Elle a eu l’impression de retourner des années en arrière car elle était plutôt habituée à la couleur, mais elle a trouvé que les photos noir et blanc étaient de vraies photos d’artistes. Elle a trouvé que c’était un exercice facile (6/10) car elle avait beaucoup de choses à photographier. "Elle y a mis tout son cœur en restant modeste". Lors d’une promenade à La Sucrerie, elle est restée seule. Elle avait repéré un endroit et elle a pris le temps de photographier les choses comme elle le voulait. On sent dans les photos de G. combien elle est appliquée. Il y a de la délicatesse dans l’air et un souci de justesse dans ses choix, qui dépassent le moment de la prise de vue. Elle a photographié par exemple deux écoles ; il était hors de question de n’en montrer qu’une sur les deux pour ne pas faire de jaloux. G. a été très sensible au processus artistique dans son entièreté, très consciente des frais que cela implique d’une part, et très attentive aux étapes et ce que chacune apportait.

Très contente (9/10), elle s’est sentie relativement à l’aise (7/10) et un peu différente que d’habitude lors des prises de vue. G. était surtout curieuse de voir le résultat et a remarqué que les différences de format et de traitement de l’image comptaient. La photo du bassin de décantation lui déplaisait en petit ; en grand elle l’a redécouverte et bien aimé au point de la choisir comme photo préférée (10/10). Cette photo lui apporte des émotions. Faire de la photo a changé son rapport aux autres et lui a permis de se sentir exploratrice de sa propre vie et de se découvrir un peu soi-même. Pour elle, il y a un peu d’inconscient dans les images. On met un peu de soi dans nos photos. On donne le meilleur de soi-même ; on s’implique même sans le faire exprès.

  • Bilan très positif pour notre parcours de "photographes – amateurs". Cette expérience fort enrichissante a créé une émulation favorable dans le groupe. Lors des ateliers photo, Viviane Horta, animatrice au Centre culturel du Brabant Wallon, a toujours valorisé notre travail. Émilie Danchin, photographe professionnelle, a rejoint l’équipe. Par ses encouragements, Émilie a renforcé notre motivation. Elle a l’art de cerner la sensibilité de chaque participant et d’aller discrètement à la recherche de ses potentialités. Très habilement, elle nous a poussés à donner le meilleur de nous-mêmes. Au fur et à mesure de nos rencontres et de l‘avancement du projet, nous avons tissé des liens. Les moments de convivialité sont devenus de plus en plus agréables. Les échanges d’idées nous ont rapprochés et ont gommé les différences d’âge. Chaque participant s’est parfaitement intégré au groupe et en gardera un bon souvenir.

    Ginette, participante au projet de photographie thérapeutique et d'action sociale "Hors de soi, hors de (chez) soi"

Habiter Genappe, instantanés révélateurs

Article paru dans la Revue Espace-Vie de La Maison de l'Urbanisme de Genappe, avril 2011

Lire l'article
Émilie Danchin, Les Frontaliers, série de photographies

Habiter Genappe (interview)

Un interview d'Émilie Danchin à propos de l'atelier photo "Hors de soi, hors de chez soi" mené avec le Centre culturel de Genappe dans le cadre du projet "Arts à Glabais"

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Une publication du Centre culturel de Genappe (80 pages, 16 x 21cm) disponible à l’administration communale, au Centre culturel et au Syndicat d’Initiative de Genappe.

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